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Interview du staff, 1983

Interview du staff de Macross réalisée en décembre 1983

Noboru Ishiguro, réalisateur
Kenichi Matsuzaki, scénariste
Kazutaka Miyatake et Shoji Kawamori, concepteurs méchas
Haruhiko Mikimoto, concepteur des personnages
Shigeru Morita, chef du studio Nue en 1982

 

Quand le projet de Macross a-t-il été lancé ?
Matsuzaki : Il y a 2ans, après la fin de « Gundam » et pendant la diffusion d' »Ideon ».

Quelle était l'histoire dans le projet initial ?
Ishiguro : Eh, bien selon les créateurs d'origine... (Il regarde M Matsuzaki)
Matsuzaki : Cela n'a plus rien à voir avec ce que nous avons maintenant. La thématique est très différente.
Ishiguro : Au début, vous disiez que ce serrait une série pour adultes. (rires)
Matsuzaki : C'étais plus joyeux, plus anormal et plus racoleur que maintenant. (rires)
Ishiguro : Au départ, c’était plus adulte et surtout plus comique. C'est pour ça que je suis rentré dans le projet sans faire gaffe (rires). C'était une histoire très démesurée.
Miyatake : Mais c'est l'histoire de Macross maintenant qui est démesurée en terme d'échelle. Le conflit au départ était beaucoup plus réduit.
Matsuzaki : Au départ, le capitaine était inspiré de M Ishiguro. Et c'était un gros obsédé (ils rient tous en regardant M Ishiguro). 
Ishiguro : La passerelle du Macross est d’ailleurs particulière : un capitaine entouré d'opératrices. L'ambiance aurait dû être plus joyeuse. Il est toujours entouré de filles maintenant : il n'y a que ça qui est resté. Au départ, il devait se trouver àun niveau plus bas que les filles, il me semble ?
Miyatake : Oui !
Matsuzaki : Et tout cela a changé au fur et à mesure du développement du projet. Comme il est toujours vieux, il est sûrement un peu pervers mais ça ne se voit plus trop.
Ishiguro : Les sponsors nous avaient demandé d’être plus sérieux ?
Kawamori : Ce n'est pas vraiment ça.
Ishiguro : C'est vous qui êtes sérieux alors ?
Matsuzaki : Au fond, oui, nous le somme (rires).

Les méchas attirent le regard dans Macross mais faisaient-ils partie du concept de départ ?
Matsuzaki : Le concept n'a pas changé. Mais comme 2ans se sont écoulés, le design a radicalement changé. Les Valkyries ne devaient pas se transformer à ce point au début. C'est après beaucoup de réflexion qu'on en est arrivé là.
Kawamori : Durant la première année, les robots et les avions étaient distincts.
Miyatake:Les Valkyries n'étaient pas aussi réalistes.
Matsuzaki : L'ennemi était assez stupide aussi (rires). Voyant que le Macross se transformait en robot, pour essayer de comprendre comment c'était possible, les Zentradi devaient rassembler leurs vaisseaux pour tenter de former eux aussi un robot (rires).
Miyatake : Cette idée a évidemment été vite oublier.

Quant aux personnages, Hikaru était il bien établi dès le départ ?
Maysuzaki : Non, on a mis du temps à créer les personnages. C'est Mikimoto qui a énormément fait pour eux. C'est toujours l'histoire de la poule et de l'oeuf avec le design des personnages. On ignore toujours si on accorde tel design de personnages à telle histoire ou si, au contraire, l'histoire est venue du design du personnage. Et sa conception graphique était très forte. Donc, vas-y HAL [surnom de Mikimoto à l'époque].
Mikimoto : En fait, Hikaru était très insouciant au départ (rires)
Ishiguro : Il est insouciant même maintenant (rires).
Mikimoto : En stylisant le personnages, il y a une certaine ombre/déprime qui ressort de son regard. Je pense que ça a donné de la profondeur à l'histoire.

Et ainsi , cette profondeur est apparue pendant que vous conceviez l'histoire ou les personnage en détails ?
Matsuzaki : Hum, il est idiot de tout avoir conçu avant la production elle-même.

Une fois le projet conçu, il faut réunir le staff. Pouvez-vous nous expliquer comment il s'est rassemblé ?
Ishiguro : J'avais déjà été associé au studio NUE pendant la production de « Yamato ».
Matsuzaki : Ils vous ont dit qu'ils avaient des membres bizarres (rires).
Ishiguro : Des vrais amateurs sans une once de professionnalisme ! (rires). L'idée était amusante. A l'époque, la SF était un genre très mineur. Par exemple, les animateurs refusaient de faire des explosions dans l'espace différentes de celles sur Terre, alors que les conditions sont différentes. Seul NUE pouvait s'atteler à cette production. Et « Yamato » s'est hélas terminée au bout de 26 épisodes.
Matsuzaki : L'audimat était faible. (rires)
Ishiguro : Et je leur ai dit que j'aurais bien aimé faire un projet similaire.

Donc, vous avez travaillé ensemble ensuite.
Ishiguro : Nous avions plusieurs projets mais aucun n'a rien donné. Macross était notre premier projet après « Yamato ». Il est amusant de noter que les choses ont changé et que la SF s'est fait sa place. Par contre, je trouve que les compétences des animateurs professionnels ont baissé. Il y a vraiment beaucoup moins de talents capables de mettre en images ce que le réalisateur a en tête. Savoir si les choses sont mieux qu'avant ou non est un dilemme.
Matsuzaki : Par contre, il y a plus de jeunes doués pour les méchas. 
Ishiguro : Oui, c'est arrivé comme ça. Que le studio Nue s'occupe des méchas et que HAL s'occupe des personnages est arrivé assez naturellement ; lui et Kawamori étaient ensemble à la fac. Ils faissaient sûrement de l'animation entre les cours.
Matsuzaki : Dites plutôt qu'ils prenaient des cours quand il ne faisait pas de l'animation ! (rires)
Morita : D'ailleurs, vous avez reçu d'autres convocation ?
Kawamori : Eh bien, je ne suis allé à la fac que trois fois cette année et pas pour les cours ! (rires)
Miyatake : Vous êtes donc des étudiants qui n'allez pas en cours (rires)
Kawamori : J'y allais l'année dernière.
Mikimoto : On faisait nos réunions en salle de cours.
Ishiguro : Donc, au début, vous faisiez les personnages comme ça, durant votre temps libre ?
Miyatake : Les personnages étaient pourtant bien avancés lorsqu'il a passé son entretien chez Artland ?
Ishiguro : Non, pas encore.
Miyatake : Tu parles de la fois où ça n’avait pas marché ?
Ishiguro : NUE n'a pas de chance quand on compte le nombre de leurs tentatives ratées (rires).

Mais cette fois ça a marché.
Ishiguro : On avait d'un coté les vétérans, qui avaient déjà fait leurs preuves sur plusieurs œuvres et s'étaient fait un nom, et les nouveaux, prometteurs mais sans expériences. On a alors décidé de ne pas faire attention à ça et de payer tout le monde au même tarif. Ce n'est parce qu'on paie une célébrité chère qu'on en aura pour notre argent. Je voulais tenter l'aventure en rassemblant des jeunes. Je voulais savoir jusqu'où on pourrait aller et ça a dépassé mes espérances. Rien que M. Itano, hélas absent aujourd'hui, est épatant pour diriger l'animation des méchas.
Matsuzaki : (en désignant M. Ishiguro) : Le seul vieux : (Tout le monde éclate de rire).
Ishiguro : Vous pouvez parler. Sur quel point pouvons-nous étaler votre CV ? Rires). On parle beaucoup des générations dans l'animation. Depuis le premier « Tetsuwam Atom » (Astro le petit robot), je suis de la 2ème génération. Ceux qui arrivent après « Gundam » sont de la 4ème génération.
Mikimoto : Je n'ai pas travaillé sur « Gundam ».

Et vous, M. Kawamori, vous avez travaillé sur « Daimos » ?
Kawamori : Oui... juste un petit coup de main (rires). 
Matsuzaki : Vous en donniez aussi ailleurs, non ?
Miyatake : Il ne veut vraiment pas en parler.
Ishiguro : Qu'est-ce que ça peut être ? (rires)
Kawamori : Ne parlons pas de ces autres émissions. (rires)

M.Ishiguro, êtes-vous influencé par ce jeune staff ?
Ishiguro : Oui, j'apprends beaucoup. Et je sens que l'animation de série TV change beaucoup. Rien que le design a vraiment changé. En fait, quel que soit le projet, il y a des manières plus simples de le traiter, vu l'avancée que l'on a en animation. Mais j'ai préféré le confier à un staff jeune. Et ça a eu ses avantages comme ses inconvénients.

A ce propos, M.Kawamori, vous avez été tué par un réacteur de Battroid dans la série ?
Kawamori : J'ai été projeté, pas tué.
Ishiguro :  Et moi, je fais une apparition dans laquelle je regarde, comme ça. C'est donc Kawamori, le 1er membre du staff à s'être fait tué.
Kawamori : Je ne suis pas encore mort comme ça !
Ishiguro :  Chaque membre du staff se fera tuer à l'écran.

Il est surprenant de voir la Tatsunoko produire une série de ce genre.
Ishiguro :  C'est grâce à Matsuzaki.
Matsuzaki : Pour être bref, le patron de la Tatsunoko et celui de Dairiten (entreprise de jouets) sont amis. Et quand nous cherchions un studio d'animation, eux cherchaient un projet.
Ishiguro : Ils se plaignent maintenant (rires)

Macross est célèbre pour ses montages de documents conceptuels et de paramètres.
Ishiguro : Nous avions deux externes qui devaient faire un épisode. Lorsque je suis allé leur expliquer, ils se sont retrouvés noyés d'explication.
Kawamori : Il n'y a pas assez de place sur un bureau.
Ishiguro : Retrouver là-dedans le design que l'on cherche est une épreuve (rires).

Bravo au studio NUE capable de concevoir tout cela.
Kawamori : On a tout fait pour limiter.
Miyatake : Genre recycler le plus possible où limiter les concepts à un seul dessin.

Il y avait dèjà énormément de designs dans le concept de départ.
Kawamori : C'était peut-être une erreur de faire du Macross un vaisseau si énorme.
Miyatake : Le fait qu'il ait trois vaisseaux en un seul est dur à expliquer. Ils sont tous de style différent.
Kawamori : Le vaisseau de Brtitai n'a quasiment rien de conceptuel à part sa passerelle, en comparaison.
Morita : Je gère tour cela et j'aurais aimé qu'il puisse le réduire au moins de moitié (rires).
Ishiguro : On contemple cette montagne en rêvant.
Morita : Déjà, les détails ne sont jamais respectés. 

 

Date de dernière mise à jour : 20/11/2015